Longue d'une centaine de kilomètres sur le territoire ardéchois, la ligne[*] de partage des eaux / GR7(c) est jalonnée régulièrement de dispositifs mobiliers et paysagers pensés comme une incitation à la pause, à l'immersion dans le paysage. De part et d'autre du Gerbier, deux de ces dispositifs se répondent : un mobilier design et des Mires paysagères. Ils donnent à voir la ligne de partage des eaux et proposent de réfléchir à son rôle dans le façonnage des reliefs très différents qui caractérisent les versants "atlantique" et "méditerranéen.
Révéler la ligne de partage des eaux et son rôle dans la formation du paysage, c'était la délicate mission confiée à Gilles Clément et à ses assistants Vincent Prévost et Marion Soulairol (Atelier de paysage IL Y A, Nîmes). A l'arrivée, six sites de Mires jalonnent le parcours et en marquent les entrées, de Saint-Agrève au nord à Saint-Laurent-les-Bains au sud. Chaque site est implanté sur la ligne de partage des eaux et permet de voir la ligne qui se poursuit vers le nord ou vers le sud, du côté du versant méditerranéen ou atlantique. Chaque site est associé à un code couleur.
Les « Mires » ? Parce que ce sont des instruments de visée réglés avec une grande précision afin de souligner de leur pointe les crêtes par lesquelles passe la ligne jusqu'à sa disparition à l'horizon. Inspiré des techniques de relevé des géomètres, cet « outil » est conçu comme une transposition poétique des instruments de mesures aussi bien qu'un détournement de la table d'orientation classique.
Le rapport du corps au paysage[*], la question de l'échelle :
IL Y A :« « Nous sommes arrivés sur les premiers sites avec Gilles Clément, bien loin de l'image que nous avions forgée d'une ligne de faîte suspendue entre l'Atlantique et la Méditerranée. De là a commencé un long travail de repérage à travers les Monts d'Ardèche, à la recherche de cette ligne, pour en comprendre la géographie et en éprouver la présence dans le paysage, par le corps comme outil de mesure. L'arpentage permettait de se familiariser avec la géographie des cartes, puis de redessiner de sommets en sommets une nouvelle cartographie de points constellés formant peu à peu une ligne. Le plus difficile n'a pas été d'explorer cette multitude de sites, mais de prendre la mesure réelle du défi qui se présentait à nous, de révéler un monument géographique invisible dans le paysage. » »
Souligner la ligne, un jeu d'optique
IL Y A :« « Il fallait une ruse. Elle nous a été justement inspirée sur le terrain par des émergences, arbres isolés, éoliennes ou poteaux électriques, qui arrêtaient notre regard et semblaient désigner avec précision un point à l'horizon des crêtes et des vallées. L'idée s'est alors formée de jouer sur l'optique, d'avoir recours à une construction mentale à partir d'un outil conçu à l'échelle du paysage, sans qu'il soit besoin de toucher à la ligne elle-même. De souligner cette ligne : donner à voir des points pour qu'elle se révèle, et la voir pour la ressentir ponctuellement, à travers un dispositif étendu sur une centaine de kilomètres. » »