Comme un manuscrit dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire de nouveau, le paysage s'écrit au fil du temps : quand on y regarde de plus près, on n'y découvre non pas une histoire, mais DES histoires, géologique, humaine, culturelle, agricole, forestière, énergétique... Chacune se superpose à la précédente, tente en vain d'en effacer les traces, y laisse ses propres marques, et le tout forme un paysage aussi spectaculaire que vivant.

Depuis la ligne de partage des eaux, une lecture du paysage conduit ainsi vers une histoire du volcanisme : les grabens de la Limagne et la poussée des Alpes ont donné lieu au plus grand massif volcanique d'Europe. 15 millions d'années d'activité volcanique ont formé un plateau de basalte de 350 km² ; puis le travail de l'eau a creusé la limite avec le socle cristallin Ardéchois, accentuant toujours plus le relief.

Cette lente érosion de vallée glaciaire a donné naissance à une ligne[*], qui non seulement partage les eaux, entre Loire et vallée du Rhône, mais partage aussi deux paysages aux traits bien singuliers :

- celui du « plateau », appelé aussi « les hautes terres », paysage très ouvert où l'immensité du ciel domine, ponctuée de sucs aux silhouettes très emblématiques,

- et le paysage des pentes cévenoles, qui dévalent sous nos pieds, tire le regard vers une succession de vallées abruptes, jusqu'à un horizon lointain qui dépasse la vallée du Rhône et vient se poser sur d'autres sommets emblématiques (Ventoux, Vercors, Mont Blanc...).

Ce paysage est celui des grandes échelles : temporelle et géographique.

Il y a une seconde échelle, celle du paysage immédiat, des premier et second plans quand on en saisit une image.

Cette échelle nous raconte un autre récit : celui des hommes.

Fascinés de tout temps par le paysage des hautes terres, les hommes ont posé temples, églises et croix au sommet des dômes volcaniques, dans une relation quasi mystique à leur environnement. Ils ont également puisé dans ce paysage toute l'économie de la subsistance : en témoignent les éboulis transformés en chaumières volumineuses, aux charpentes massives couvertes de lauzes.

En témoignent les troupeaux, profitant de vastes prairies sub-alpines, de sols préservés et d'une flore inégalée. Ce paysage ressource est aussi paysage de vents : omniprésents, annonciateurs de temps propices aux récoltes ou de congères monumentales ; ce vent qui plie la végétation (anémomorphose), et contraint l'habitat à s'abriter au sud de micro-reliefs ; ce vent qui rend fertile aussi le territoire, qui disperse les pollens, qui sèche les foins en un temps record. Ce vent qui aujourd'hui est transformé en énergie, faisant naître des mâts d'un genre nouveau, des moulins annonciateurs d'une nouvelle ère.

Ainsi, loin d'être figé, le paysage ne cesse de se transformer au gré des itinéraires sociotechniques et des rapports de l'Homme à son milieu.

Alors regardez bien, on doit pouvoir y lire l'avenir...