Ingénieur agronome, jardinier, paysagiste, écrivain et enseignant, Gilles Clément (né en 1943) a été invité lors de la conception du parcours artistique pour imaginer un dispositif permettant de voir, de comprendre et d’expérimenter la ligne géographique de partage des eaux et son rôle dans la fabrication du paysage. C’est ainsi que sont nées les « Mires ».

Séduit par les paysages des sucs, inquiet pour la ressource en eau sur la planète et sa qualité, inspiré par l’idée de son « partage », il a imaginé une « Tour à eau » qui s’intègre tout naturellement dans son environnement et s’appuie à la fois sur le concept qu’il a développé de « Jardin planétaire »

Gilles Clément sur son "Belvédère des lichens" qu'il a créé pour le sentier des Lauzes (Saint-Mélany)Informations[*]

Ce concept doit se lire dans le contexte de la pensée écologiste de Gilles Clément : il ne s'agit en aucun cas de faire de la Terre un jardin au sens moderne du terme (c'est-à-dire en extraire les espèces sauvages pour les remplacer par des cultures à haut rendement), mais de considérer la Terre comme un espace clos, dans lequel des espèces évoluent sous l’œil de l'Homme. Cette conception permet de considérer la responsabilité capitale de l'Homme dans le bon équilibre de ce jardin, y compris entre les zones cultivées ou laissées en friches, ainsi que l'équilibre et la complémentarité de l'ensemble.

Et la réflexion qu’il ouvre sur l’articulation entre génie des lieux, génie humain et génie naturel :

« Le Génie des lieux, ou l’esprit des lieux (le Tayori japonais), vient de la configuration du site, son exposition aux vents et à la lumière, son orientation. Parmi les différentes offres d’excavations géantes du relief karstique des gorges de l’Ardèche, les contemporains de la Grotte Chauvet ont choisi le lieu à partir duquel on perçoit le Pont d’Arc dans toute sa splendeur au-dessus de la rivière. Ils ont choisi le génie des lieux. Celui-ci n’existe pas sans la perception sensible des lieux.

Le Génie humain s’exerce par une activation de l’imaginaire dont les élans de créativité conduisent aux prouesses de la pensée, aux exploits de la raison, aux performances technologiques, aux subversions positives de l’art. Le génie humain prend toute sa dimension dans l’exercice du « projet ». Le niveau de conscience du génie des lieux par le génie humain détermine la force et la portée du projet.

Le rapport entre l’Homme et son habitat est ce qui relie ces deux « génies » en faisant apparaître tantôt le désir de fusion, tantôt la volonté de séparation. Ces deux génies fonctionnent ensemble, on ne peut séparer la condition humaine du contexte dans lequel elle trouve son existence.

A cela il faut ajouter un troisième génie : celui du vivant non humain. Le Génie Naturel se tient en marge des deux précédents. Il existe par les conditions mêmes du vivant : nécessaire résistance aux aléas du temps, mise au point des stratégies de résilience au cours de l’évolution.

Nous vivons une époque où l’humanité découvre qu’en appartenant à l’écosystème planétaire elle dépend du Génie Naturel et qu’elle ne peut s’exclure de la nature sans prendre le risque du suicide par ignorance. Elle vient juste d’arriver sur la planète, les plantes et les animaux étaient là avant, ils ont des choses à dire. »

Gilles Clément (introduction aux Rencontres autour de Gilles Clément « Génie naturel ! Génie humain ? Abbaye de Royaumont, Val d’Oise, 29 & 30 juin 2018

En classe, faire des recherches sur un des concepts inventés par Gilles Clément : le « jardin planétaire ». Qu’en pensez-vous ? Sur le site, face à la Tour à eau, trouver des correspondances entre cette œuvre et le concept de « jardin planétaire »